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Risque climatique : pistes pour la supervision bancaire en Afrique subsaharienne

Cet article fait partie de la série "Risque climatique et supervision bancaire". Il fait suite au précédent sur les notions essentielles pour les superviseurs et les régulateurs.
Photo by Harry Cunningham on Unsplash

Dans l’appréhension du risque financier lié au climat, les autorités du secteur financier doivent principalement s’assurer que leur mandat leur permet de le réguler et de superviser. Si oui, ils doivent ensuite l’évaluer, car ce qui ne peut être mesuré ne peut être administré. Pour ce faire, le réseau des banques centrales pour le verdissement du secteur financier (Network for Greening the Financial System, NGFS) propose quelques pistes ainsi que six (6) principales recommandations.

1. La question du mandat et des objectifs

Une enquête menée en 2020 par le Comité de Bâle pour le Contrôle Bancaire a montré qu’une majorité de juridictions n’avaient pas de mandat explicite pour prendre en compte les risques financiers liés au climat. Cependant, les Autorités considèrent que ces risques pourraient potentiellement avoir un impact sur la sécurité et la solidité des institutions financières individuelles et, par conséquent, constituer une menace pour la stabilité financière. En conséquence, certaines juridictions et organisations internationales ont déjà intégré les risques liés au climat dans leurs cadres de surveillance et de réglementation existants.

Dans le premier rapport de progrès d’octobre 2018, les membres du NGFS ont reconnu que “les risques liés au climat constituent une source de risque financier. Il entre donc dans les mandats des banques centrales et des superviseurs de veiller à ce que le système financier soit résilient face à ces risques.”

Les mandats légaux des banques centrales et des superviseurs financiers varient, mais ils incluent généralement la responsabilité de la stabilité des prix, de la stabilité financière ainsi que la solidité des institutions financières. Il appartient donc aux autorités de régulation et de supervision de façonner et d’assurer leur rôle substantiel dans la gestion des risques liés au climat dans le cadre de leurs mandats.

2. Evaluer les risques financiers liés au climat

L’intégration des risques climatiques dans la supervision de la stabilité financière et dans la régulation prudentielle pose un défi majeur : les approches traditionnelles du risque, fondées sur des données historiques et sur des hypothèses de distribution normales, aboutiront nécessairement à une mauvaise appréciation des risques climatiques, pour deux raisons principales :

  • les données passées ne permettent pas de détecter la plupart des risques climatiques. En effet, les risques physiques commencent tout juste à se matérialiser (augmentation récente du nombre et de l’intensité des catastrophes naturelles) et les risques de transition restent faibles en raison fait du manque d’ambition politique en ce domaine au niveau mondial ;
  • les risques climatiques ont tendance à ne pas suivre des distributions « normales » et peuvent donner lieu à des valeurs extrêmes, se situant en dehors des probabilités retenues dans les outils habituels de gestion du risque.

Pour y pallier, de nouvelles méthodologies se développent au sein de la communauté financière, pour mieux identifier les risques climatiques. Elles reposent sur des analyses de scénarios, qui utilisent des hypothèses plausibles pour le futur, sans pour autant leur attribuer des probabilités de concrétisation.

3. Pistes d’actions pour les régulateurs et les superviseurs

Les banques centrales et les superviseurs s’accordent désormais sur la nécessité de recourir à l’approche par scénarios évoquée ci-dessus, avec deux applications réglementaires possibles :

  • intégrer des scénarios climatiques dans les tests de résistance et les exercices de simulation de crise, pour évaluer la capacité des institutions financières à faire face à un choc macro-financier contraire. Des banques centrales et superviseurs financiers, tels que Prudential Regulation Authority (Autorité de régulation prudentielle) de la Banque d’Angleterre, ont déjà commencé à mettre au point des méthodologies en vue de tels tests ;
  • privilégier l’analyse par scénarios dans la supervision microprudentielle, en complément du volet macro-prudentiel. Certaines juridictions ont défini des attentes en matière de gestion des risques climatiques à l’égard des entités supervisées. D’autres pays ont également introduit de nouvelles exigences en matière de communication sur les risques climatiques (exemple de la France avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en 2015).

4. Principales recommandations du NGFS

Dans un appel à l’action lancé en avril 2019, le NGFS a émis les six (6) principales recommandations suivantes:

  • intégrer le risque climatique dans le suivi de la stabilité financière et la supervision microprudentielle ;
  • intégrer la notion de durabilité dans le mécanisme de gestion des risques des superviseurs et régulateurs eux-mêmes ;
  • combler les lacunes actuelles en matières de collecte et d’exploitation de données ;
  • sensibiliser les acteurs du secteur financier et renforcer leurs capacités en matière de connaissance et d’appréhension du risque climatique ;
  • aligner les politiques du secteur financier sur les objectifs des politiques publiques liées au climat, pour assurer une cohérence à l’échelle nationale/régionale ;
  • coordonner entre régulateurs et superviseurs des divers pans du secter financier, et collaborer avec les autres autorités publiques et internationales.

Le NGFS propose à cet effet la matrice suivante :

NGFS_recommendation_matrix
Source: NGFS


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