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Des “bacs à sable réglementaires” (regulatory sandboxes) pour accélérer l’innovation dans les services financiers numériques

Comment encourager l’innovation dans l’industrie des services financiers numériques, tout en assurant la protection des clients et la stabilité du système financier ?

Regulatory Sandbox
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L’une des solutions les plus consensuelles depuis quelques années est la mise en place, par les autorités de régulation financière, de “bacs à sable réglementaires” ou regulatory sandboxes.

Le terme sandbox provient principalement du milieu du développement et de la sécurité informatique, où il désigne un environnement créé, isolé, contrôlé et indépendant, qui reproduit l’ensemble des caractéristiques d’un environnement de production, dans le but de tester des logiciels ou des portions de code en conditions réelles.

Ainsi, en matière d’innovation technologique et financière, une regulatory sandbox est un environnement de test composé de règles mises en place par les autorités de régulation en vue de permettre aux entreprises assujetties d’innover en toute sécurité, dans des conditions proches de la situation réelle.

Processus

De façon simplifiée, la mise en place d’une regulatory sandbox est une décision de l’autorité de régulation du secteur financier.  Elle découle souvent d’un besoin implicite ou parfois explicite exprimé par le marché, en fonction du dynamisme du secteur des fintechs, mais aussi et surtout des ambitions du régulateur.

Une fois la décision prise, une phase de réflexion stratégique est engagée sur l’orientation, les objectifs spécifiques, les compétences et expertises à mobiliser, les leçons tirées d’expériences des pairs, les délais, les propositions d’aménagement réglementaire, le financement, les règles de fonctionnement, etc. A ce stade, certains régulateurs, à l’instar Abu Dhabi Global Market ou de Monetary Authority of Singapour, demandent une contribution du public sur leur concept initial. Au total, cette étape de réflexion, dont la durée varie d’un régulateur à un autre, représente un vrai challenge pour bon nombre d’entre eux.  En effet, il s’agit souvent de convaincre les autorités appropriées de dégager un budget pour financer un projet aussi “risqué”, mais également de cumuler cette charge de travail avec les attributions classiques. La plupart des autorités de régulation optent ici pour la mise en place d’un groupe de travail dédié.

Au moment de l’opérationnalisation de la sandbox, un appel à candidatures est lancé pour recruter, par cohortes successives, les fintechs qui désirent y adhérer. A l’issue de l’examen de leur dossier, un avis favorable du régulateur se matérialise par la délivrance d’un agrément spécifique, souvent appelé “regulatory sandbox license“. Bien que contraignante, cet agrément, même virtuel, est souvent vu comme un premier gage de qualité par les tiers (institutions de financement, utilisateurs finaux, autres acteurs de l’écosystème).

Les ajustements nécessaires se font de part et d’autre pendant toute la période de test. Une fois ce cap passé avec succès, la fintech bénéficie d’un agrément en bonne et due forme et peut se lancer sur le marché en conditions réelles. Il va sans dire que le fait d’être resté sous l’oeil du régulateur fait bénéficier à la startup d’un plus grand capital confiance lors du lancement de ses produits ou dans sa recherche de financement.

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Mieux (se) comprendre pour mieux réguler

Le premier avantage se situe en amont : l’apprentissage réciproque entre les acteurs. La fintech, souvent purement issue du monde de l’entrepreneuriat, doit désormais apprendre et composer avec la réglementation financière, ses exigences et ses limites. De son côté, le régulateur apprend à mieux connaitre la façon de penser (concept) et la façon de faire (modèle d’affaires) de la fintech, afin d’édicter ses règles en connaissances de cause. Mieux comprendre pour mieux réguler.

Protéger l’utilisateur final

En aval, la protection du public est tout aussi importante. L’exécution en environnement contrôlé permet en effet à la startup de tester non seulement la viabilité de ses produits et de son modèle d’affaires sous les contraintes de la régulation financière, mais également d’en mesurer la recevabilité et l’impact sur le public. Quant au régulateur, conformément aux dispositions courantes de la regulatory sandbox license, il se réserve souvent le droit d’arrêter, soit immédiatement soit dans un délai très bref, toute déviance susceptible de causer du tort au consommateur final.

Préserver la stabilité financière

Cet objectif figure sous des formulations variées dans le mandat de la plupart des autorités de régulation financière, et la mise en place de bacs à sable réglementaires n’y déroge pas. Les mécanismes intrinsèques d’une sandbox permettent de limiter l’impact d’une faillite sur le reste du système financier. La phase de correction et d’ajustement permettra également de prendre la mesure des risques (financiers et non financiers) et d’en prévoir une gestion adaptée.

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En définitive, les bacs à sable réglementaires sont devenus un outil de choix pour offrir un cadre structuré à l’innovation en vue d’accélérer l’inclusion financière. Plusieurs pays ou juridictions en ont mis sur pied, tels que le Royaume-Uni, Singapour, la Malaisie,  la Thaïlande, Hong Kong et, plus récemment, la Sierra Leone. Toutefois, l’un des facteurs-clés de succès demeure de prévoir ce cadre, voire de l’inscire dans une stratégie de moyen et long terme telle qu’une stratégie nationale d’inclusion financière. Par ailleurs, même si le caractère récent de l’avènement des regulatory sandboxes permet d’en tirer beaucoup de leçons, cette méthodologie du “learning by doing” demeure cruciale pour perpétuer l’innovation.

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