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Digitalisation des services financiers en Afrique de l’Ouest – 1. Adaptation stratégique de l’écosystème

Série “DIGITALISATION DES SERVICES FINANCIERS EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE”
1. Adaptation stratégique de l’écosystème (cet article)
2. Identifier et gérer les nouveaux risques (article suivant)

https://unsplash.com/photos/14RqNPmDOno
Source : Yeshi Kangrang @ Unsplash

Le secteur financier constitue l’un des principaux terrains de la quatrième révolution industrielle : l’avènement du numérique. En Afrique au sud du Sahara, grâce à la croissance exponentielle du taux de pénétration du téléphone mobile et à la généralisation de l’accès à Internet, le phénomène est de plus en plus marqué. Toutefois, la vague de l’innovation n’a pas pu/su être anticipée de façon adéquate. La plupart des institutions financières se trouvent donc obligées de s’adapter, sous peine de disparaitre à moyen ou long terme.

Nouveaux canaux de distribution ou nouveaux services ?

De façon générale, on observe que les services financiers « traditionnels » sont désormais proposés au client avec un nouveau packaging qui tire parti de l’évolution technologique : réduction ou abolition de la distance géographique, réduction de la nécessité de la présence physique, augmentation et tracking du temps passé en ligne par le client, etc.

Toutefois, il revient à l’institution de déterminer s’il s’agit de nouveaux canaux de distribution pour les produits et services existants, ou plutôt de nouveaux services à part entière. L’importance des ressources (financières, humaines, matérielles, organisationnelles) à y sont consacrer et des bénéfices potentiels peut servir d’indice pour parfaire cette distinction.

Les fintechs et le secteur bancaire : “je t’aime, moi non plus”

La particularité du secteur bancaire est d’être confronté à un nouveau genre de fournisseurs de services financiers : les fintechs. Ces entreprises, qui constituent une part importante des startups de ces dernières années, se veulent moins lourdes et plus réactives que les banques traditionnelles, en se posant souvent entre ces dernières et les clients. Dans de nombreux cas, leur approche novatrice et moins pyramidale a été le facteur déclencheur du début du changement dans certaines banques, dont les sources de revenus se sont trouvées menacées.

Cependant, plusieurs banques sont confrontées à un dilemme :

  • faut-il s’allier à une fintech, qui a développé une expertise dédiée et fait ses preuves sur un maillon précis de la chaîne de valeur entre la banque et le client ? Avec en corollaire une réduction drastique ou une perte des revenus y afférents, voire l’externalisation d’une activité qui jadis était dans le giron de la banque ?
  • ou au contraire, faut-il ignorer les fintechs et tenter une amélioration ou un changement du modèle traditionnel, avec le risque d’un investissement conséquent en ressources, le développement de nouveaux métiers, sans l’assurance d’atteindre l’expertise requise dans des délais assez raisonnables pour espérer un retour sur investissement pertinent ?

Les réactions varient pour le moment, en fonction de l’environnement réglementaire et du degré de préparation de chaque partie, mais souvent dans l’intérêt supposé du consommateur final.

La situation du marché en Afrique subsaharienne

En Afrique au sud du Sahara, trois pays ressortent en tête du classement tant en matière de fertilité pour les projets fintech qu’en matière d’attraction des financements : l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria. En Afrique de l’Ouest francophone, l’écosystème est peu fourni et tourne principalement autour du mobile money offert par les opérateurs de téléphonie mobile et, dans une moindre mesure, les applications de paiement et de transfert d’argent.

Au regard du faible taux de bancarisation et des ambitions en termes d’inclusion financière, beaucoup reste à faire tant dans la fourniture de services financiers digitaux que dans leur financement, ainsi que dans l’accompagnement des startups du secteur et, de façon plus large, l’éducation financière des populations.

En attendant, les principaux acteurs, loin de croiser les bras, essaient de rattraper les parts de marché érodées par les fintechs. Les banques les plus hardies ont trouvé une solution relativement simple : mettre en place une entité dédiée, à l’instar de Yup, filiale de la Société Générale en Afrique de l’Ouest mêlant porte-monnaie/paiement mobile et agency banking. Une tendance similaire s’observe chez les opérateurs de téléphonie mobile, avec la création de filiales destinées spécifiquement aux opérations de mobile money. A une exception près, cependant : ces derniers y sont obligés par la réglementation bancaire de l’UMOA, au regard de la nécessité d’obtenir un agrément pour conduire des opérations de banque dans la sous-région.

En somme : une quasi-remise en cause du modèle d’affaires ?

Les mutations évoquées ci-dessus, loin d’être exhaustives, représentent un aperçu des nouveaux défis des institutions financières à l’ère de la digitalisation. En fonction de conditions propres, leur impact peut aller d’une simple adaptation à une remise en cause complète du modèle d’affaires. Et un tel virage en matière de stratégie est connu pour être dangereux pour les entreprises, même les plus grandes : le cas emblématique de Nokia est assez édifiant.


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